Recours devant le Conseil d'État contre le décret 2010-236

FDN a et la Quadrature du Net[1] ont déposé cet après-midi un recours contre le décret 2010-236 au greffe du Conseil d'État.

Ce décret, prévu par la loi HADOPI, a en effet été pris sans avis de l'ARCEP, alors qu'il porte sur les activités des opérateurs, et que l'article L. 36-5 du Codes des Postes et Communications Électroniques indique qu'en pareil cas l'avis de l'ARCEP est obligatoire.

Voici le texte du recours devant le Conseil d'État... Bien entendu, on publiera les résultats de ce recours.

Note

[1] Le vice de procédure a été relevé par les gus dans le garage, et le recours est signé FDN, FDN ayant intérêt à agir de manière directe, et le bon statut légal pour le faire.

Objet : Recours contre le décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l'article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur Internet », publié au journal officiel n°0056 du 7 mars 2010 (page 4680).

PJ : Copie du décret susmentionné.

Paris, le 6 mai 2010

Madame, Monsieur,

Par le présent recours, les requérants demandent au Conseil d’État d’annuler le décret 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l'article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur Internet ».

Notre intérêt à agir est lié au fait que l’association requérante, dénommée FDN, est destinataire du décret attaqué en sa qualité de fournisseur d’accès à des services de communication au public en ligne déclaré auprès de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). En effet, ce décret met en place un traitement automatisé de données à caractère personnel et prévoit en son article 8 qu’il sera interconnecté avec les traitements mis en œuvre par les opérateurs de communications électroniques, et notamment les fournisseurs d’accès à Internet. Au demeurant, il n’est pas à démontrer que la mise en place et le fonctionnement de ce système aura des répercussions financières sur lesdits fournisseurs d’accès.

Ce décret est entaché d’un vice de forme puisque le Gouvernement a omis de consulter l’ARCEP, et ce alors que la loi le lui impose conformément à l’article L.36-5 du Code des postes et communications électroniques. Cet article dispose en effet : « L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre. »

Or, il ne fait pas de doute que le décret attaqué concerne des opérateurs commerciaux qui sont des acteurs essentiels du secteur des communications électroniques. La fourniture d’un accès à des services de communication au public en ligne constitue à l’évidence une activité relevant du secteur des communications électroniques au sens de la loi du 30 septembre 1986 et de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En effet, l’article 1er de la Loi du 30 septembre 1986 dispose : « on entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique ». L’article 1er de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 dispose quant à lui : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur ».

Cette consultation imposée par la loi fait donc défaut en l’espèce. Or, il s’agit au sens de votre jurisprudence d’une formalité substantielle justifiant une annulation dudit décret. Non seulement la consultation est imposée par la loi, mais en outre cette omission a pu exercer une influence sur la décision. Plus généralement cette formalité avait à l’évidence pour objet d'accorder des garanties aux administrés (votre arrêt Baillou rendu le 27 juillet 1984 Rec. p. 306). Cette omission est donc de nature à entraîner l’illégalité du décret attaqué.

Pour ces raisons, les requérants demandent qu’il plaise au Conseil d’État d’annuler le décret du 5 mars 2010.

Benjamin Bayart Signature

Commentaires

1. Le jeudi 06 mai 2010, 16:52 par Guillaume Champeau

Excellent ! et surtout merci :-)

2. Le jeudi 06 mai 2010, 17:15 par Blue

Merci, encore une fois !

3. Le jeudi 06 mai 2010, 17:21 par skhaen

Headshot !

(bravo Benjamin ;-))

4. Le jeudi 06 mai 2010, 17:22 par Winael

Bravo Benjamin.

Ça fait plaisir de voir que certains FAI se battent corps et âmes pour préserver notre liberté. Merci à toi et à FDN.

5. Le jeudi 06 mai 2010, 17:28 par birdy

Merci a #lqdn de sa veille efficace ;)

6. Le jeudi 06 mai 2010, 17:29 par Laurent Raufaste

Bravo !

7. Le jeudi 06 mai 2010, 17:31 par Jordan

Merci !

8. Le jeudi 06 mai 2010, 17:47 par jpa

Bravo et merci...

9. Le jeudi 06 mai 2010, 17:59 par Dam's

Excellent !
Continuez dans ce sens !
Bravo à vous.

10. Le jeudi 06 mai 2010, 18:01 par labilbe

Bien vu !

En réponse: je me suis permi de supprimer le lien qui semblait sans rapport avec le billet et/ou le commentaire, et pouvait donc être assimilé à un spam.

11. Le jeudi 06 mai 2010, 18:15 par x2

faites nous plaisir, j'espère qu'ils vont passer du temps à revoir leur copie et s'ils veulent poursuivre que au moins il n'y ait pas de risque pour ceux qui ne devraient rien risquer

12. Le jeudi 06 mai 2010, 18:27 par mitch

Il commence déjà à y avoir des reprises (zdnet, clubic, pcinpact etc.) M'est d'avis que ça va faire du boucan médiatique en plus de taper exactement là où ça fait mal. Beau travail!!! Bravo et merci!

13. Le jeudi 06 mai 2010, 18:48 par Emma

Bravo !

14. Le jeudi 06 mai 2010, 18:52 par Renaud Veeckman

Espérons que le Conseil d'Etat vous suive. Bravo.

15. Le jeudi 06 mai 2010, 19:12 par calmos

Encore faut-il que le Conseil d'Etat accepte d'examiner votre recours... La FDN, combien de divisions ?

16. Le jeudi 06 mai 2010, 19:19 par NK

Bravo a la quadrature pour l'avoir vu et merci à FDN et à toi en qualité de président pour y avoir donné suite :)

17. Le jeudi 06 mai 2010, 20:23 par Juriblogsphere

Un travail d'équipe qui s'avère fructueux. La suite des évènements ne va certainement pas manquer d'intérêt. Affaire à suivre...

18. Le jeudi 06 mai 2010, 20:42 par JeyG

C'est un admirable coup que voici, féliciations !

19. Le jeudi 06 mai 2010, 20:49 par Pol

Vous êtes des tueurs ! Bravo !

20. Le jeudi 06 mai 2010, 21:04 par Thomas Guillot

Merci Président pour cette action citoyenne :)

J'ai lu à droite, à gauche, que ce genre de procédure mettait un certain temps à être traitée (entre 1 mois et 3 ans ...) et qu'elle n'était pas suspensive. Il est vraisemblable que le dispositif Hadopi soit opérationnel et actif avant le traitement du recours. J'ai alors 2 questions:

En réponse: la durée de la procédure dépend quand même de la nature de la question posée. Ici, nous posons une question très simple, en droit, qui est de savoir si le décret attaqué parle du monde des télécoms ou pas. Je ne vois pas comment ça pourrait durer longtemps, il n'y a (pour le moment) aucun élément de fond dans la requête, simplement un vice de forme.

1. Quelles sont les chances que la requête aboutisse en faveur du plaignant. Y-a-t-il une "jurisprudence" pour des cas similaires de vice de procédure ?

En réponse: pas la moindre idée. Faudrait demander ça à un juriste spécialisé en droit administratif...

2. Si le recours aboutit et que le décret est annulé, quels seraient les recours possibles pour les internautes HADOPISÉ ?

En réponse: de ce que je comprend du droit, les gens auraient été hadopisés entre autre sur la base d'un décret annulé, donc sur la base d'un traitement informatique interdit. De bonnes chances pour que l'ensemble des procédures sautent à ce moment-là, sauf si un juge vient expliquer que c'est pas grave de faire des traitements informatiques illégaux (on a déjà vu ce genre de jurisprudence curieuse, comme celle sur les faux électeurs indiquant qu'on n'avait identifié que quelques centaines de faux électeurs et que ça ne suffisait pas à changer les résultats, et donc qu'on annulait pas les élections).

21. Le jeudi 06 mai 2010, 21:41 par Jaz

MERCI LES GUS ;)

Je diffuse

@suivre

22. Le jeudi 06 mai 2010, 23:29 par Dém

Bravo, continuez à nous défendre et à imposer un internet libre en France ! :)

23. Le vendredi 07 mai 2010, 00:16 par lucas63

3 mots : FORMIDABLE, BRAVO, MERCI

24. Le vendredi 07 mai 2010, 00:38 par Heeks

Magnifique...mais ça va magouiller sévère pour contourner ça.

25. Le vendredi 07 mai 2010, 00:42 par Johnny5

Je suis trop curieux de voir comment ils vont faire pour faire passer la pilule :)

26. Le vendredi 07 mai 2010, 03:06 par Olivier

Bravo ! Benjamin for President ! ;-)

27. Le vendredi 07 mai 2010, 03:19 par octal

bien velue

28. Le vendredi 07 mai 2010, 08:21 par Seize

Merci, on se délecte!

29. Le vendredi 07 mai 2010, 09:40 par Mouffi

Bonjour,
Complémentairement aux clarifications attendues par le commentaire de Thomas Guillot, j'ai également une remarque concernant l'article 1 cité dans le courrier qui, tel que vous l'avez introduit, mentionne "uniquement" la voie électromagnétique. Or le réseau filaire est une voie électrique et non électromagnétique.
Est ce à dire que seuls les FAI distribuant par WiMax ou satellite peuvent s'en prévaloir ?
Merci pour votre action.

30. Le vendredi 07 mai 2010, 10:10 par zoobab

"Or, il s’agit au sens de votre jurisprudence d’une formalité substantielle justifiant une annulation dudit décret."

Une reference vers cette jurisprudence?

31. Le vendredi 07 mai 2010, 10:15 par chaica

Bien joué :)

32. Le vendredi 07 mai 2010, 10:56 par Acontios

Moi qui nous pensais condamnés à devoir subir la présence de cette pseudo-loi (et je dis bien "subir la présence", pas "subir les effets"), je vous félicite pour continuer de lutter. Bravo à la Quadrature & à BB/FDN pour l'épluchage juridique, ainsi que pour le recours.

33. Le vendredi 07 mai 2010, 11:25 par yagraph

Bravo !

34. Le vendredi 07 mai 2010, 12:39 par nerach

Super !

Reste plus qu'à attendre la décision du conseil d'état.

35. Le vendredi 07 mai 2010, 13:16 par Mlle Ellute

BRAVO et MERCI!!!

36. Le vendredi 07 mai 2010, 13:48 par Aden

Bravo et bien vu !

D'ici à ce que l'Arcep ait à participer à la mise en oeuvre d'Hadopi...

37. Le vendredi 07 mai 2010, 14:01 par Morgan

Merci !
On compte sur vous/nous

38. Le vendredi 07 mai 2010, 14:12 par Burnout

BRAVO !

Perso, je souscris à l'asso FDN. Merci à eux, à Benjamin B, & à la Quadrature.

Le web, c'est nous !

39. Le vendredi 07 mai 2010, 16:14 par ND

M'est avis que cette procédure va quand même prendre du temps, même si la question posée est simple.

Le recours est pas forcément écrit dans les règles de l'art, mais bon ça devrait passer, le moyen étant intéressant.

Par contre, avez vous pensé à faire un référé-suspension simultanément ?

http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

Le doute sérieux, vous l'avez, pour la condition d'urgence, ça pourrait se justifier en disant que les mesures en découlant (l'envoi de mail et à terme la coupure etc etc...) sont substantielles en termes de liberté (liberté constitutionnelle d'aller sur internet) et que l'ARCEP pourrait avoir un avis intéressant à donner là dessus.

40. Le vendredi 07 mai 2010, 17:12 par Cedric

félicitions, merci

41. Le vendredi 07 mai 2010, 17:28 par AlexP

Excellent!

Je vous envoie tous mes encouragements!

En réponse: je me suis permi de supprimer le lien, qui, étant sans rapport avec le billet ou le message, pouvait être assimilé à du spam.

42. Le samedi 08 mai 2010, 00:25 par primalmotion

Merci! juste Merci!

43. Le samedi 08 mai 2010, 07:32 par FM

Bravo
merci de votre engagement sur ce sujet.
En esperant bonne réussite

44. Le samedi 08 mai 2010, 10:02 par Aldo Reset

Sauf que l'Arcep a publié un avis sur l'hadopi le 28 mai 2008, donc elle szmblz avoir été consultée.

En réponse: L'Arcep a été consultée sur le texte de la loi, par sur le décret. Si elle l'avait été, il y aurait une mention de son avis en haut du texte du décret, comme pour la CNIL.

45. Le samedi 08 mai 2010, 11:48 par domi

@Aldo
En mai 2008, on est encore bien avant que la loi soit passée au parlement, donc cet avis ne vaut pas consultation pour le décret pris presque 2 ans plus tard.

46. Le samedi 08 mai 2010, 12:05 par Cld

Mouffi: Sauf que c'est de l'électromagnétisme. L'électronique c'est même une branche de l'électrodynamique pour être plus précis.
Et si ça passe dans une fibre c'est de l'électromagnétisme aussi (la lumière c'est une onde électromagnétique).

47. Le samedi 08 mai 2010, 16:23 par Aldo Reset

Elle a été consulté sur le projet de loi et elle a donné un avis en mai 2008. la loi précise elle est consulté sur le projet ou le decret....

je pense que le recours va etre rejeté, car la consultation a bien eu lieue

48. Le samedi 08 mai 2010, 18:49 par Raph

Soulevez que le décret n'indique pas par quel moyen le contrôle d'accès aux fichiers sera effectué et que, par suite, rien ne garantira que le contrôle prendra en compte la signature électronique sécurisé, au sens de l'article 1316-4 du code civil et du décret s'y rapportant et que, dès lors, la valeur des informations sera sujette à caution.

Soulevez le moyen que la mise en place des dispositions de ce décret sera catastrophique au niveau économique pour vous.

Soulevez également que le décret prévoit que l'IP soit un des champs du fichier et qu'une IP ne permet pas de définir qui est l'utilisateur (il faudra faire une démonstration) et que, dès lors, ce système est contraire à la convention européenne des droits de l'Homme et contraire à la DDHC.

Soulevez l'exception d'illégalité de la loi pour ce même motif.

Soulevez une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de la loi pour le même motif (sur la base de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui fait parti du bloc de constitutionnalité).

Bonne chance.

49. Le samedi 08 mai 2010, 18:59 par Bitman

Félicitation pour votre action, j'espere que la procedure ira dans le bon sens, meme si avec le pion mis a la tete de l'arcep par notre bon roi je n'ai guere d'illusions sur la suite des evenements ...

Faudrait trouver des procedures jusqu''en 2012 ^^

50. Le samedi 08 mai 2010, 20:04 par gérard

Un article publié sur NUMERAMA.COM concernant une note juridique sur le recours

http://www.numerama.com/magazine/15...

51. Le lundi 10 mai 2010, 15:27 par steph

pour savoir ce qui a des chances de se produire d'un point de vue légal, on pourrait demander à Maître Eolas...

En réponse: il a suffisament souvent dit qu'il ne donnait pas de consultations par Internet. S'il a envie de faire un billet sur le sujet, libre à lui, bien entendu. Mais je me garderai bien d'aller l'emm... avec mes petites questions.

D'ailleurs je pense qu'il serait plus intéressé à analyser la réponse du Conseil d'État qu'à analyser notre saisine, qui est toute simple. Ceci dit, Numérama a demandé son avis à un spécialiste du droit administratif, qui semble plutôt confiant, et recommande que nous lancions aussi un référé suspension. Je ne suis pas sur que nous en ayons le droit.

52. Le mardi 11 mai 2010, 07:43 par max

L'article L. 521-1 du CJA précise que "le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision".

Je pense donc que vous avez le droit de le faire, maintenant les chances de succès ... on peut toujours discuter de la notion "d'urgence", d'un "moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision" ... mais c'est le propre de tout recours ...

53. Le mardi 18 mai 2010, 17:23 par Raph

En réponse à la réponse sous le 51 : vous en avez le droit.
Il y a deux conditions à respecter et à démontrer :
- l'urgence : en quoi y-a-t-il nécessité d'ordonner la suspension de la décision attaquée ?
- le doute manifeste : en quoi la décision parait illégale.

Les deux conditions sont cumulatives et doivent être démontrées.

Il est indispensable d'avoir déposé une requête au fond avant de déposer une requête en référé.
L'ordonnance de référé est suspensive et temporaire : elle ne dure que jusqu'au moment où la décision au fond est rendue.

Je ne peux que vous recommander de déposer une requête en référé suspension !

54. Le mercredi 19 mai 2010, 11:41 par max

Je me sens moins seul ... Surtout que ce type de référé peut aboutir à "accélérer" la procédure au fond (ex : fichiers edvige)